Dans ce morceau, dont le clip est sorti le 14 juillet 2016, jour noir de la ville de Nice, Kery James prend habilement le contre-pied de la version officielle des « racailles » : il vise les racailles d’en haut, les nomme, tourne autour du noyau dur
« Vous avez meurtri le pays jusqu’à l’agonie... Racailles ! »
« Vous ne croyez plus en rien, plus personne ne croit en vous... Racailles ! »
« Entre vous et la rue, y a plus que les CRS... Racailles ! »
« Vous êtes complètement soumis à la finance... Racailles ! »
« Chaque fin du mois à découvert, on a l’impression d’être esclaves du système bancaire...Racailles »
« La rue vous vomit, j’le rends public... Racailles »
Kery James propose un rap social, militant, de la gauche du travail, mais il ne peut s’empêcher de s’en prendre au FN et à Zemmour, qui ne sont pas vraiment les responsables de la crise actuelle, selon la sentence de Chamfort :
Mais un rappeur qui ne s’en prend pas au FN peut perdre son crédit dans les quartiers. Après tout, comme en patinage artistique, en rap il y a des figures imposées. Mais aussi des figures libres. Et il faut reconnaître que dans les figues libres, Kery James se débrouille plutôt bien. Il ne commet pas de faute conceptuelle majeure. On se demande même s’il ne lit pas E&R !
Fi de l’autosatisfaction, cette petite diatribe anti-dominance nous change de Booba et ses textes commerciaux abscons, une sorte de Pierre Boulez de la rime : imbitable, mais qui prend de l’oseille. Ce n’est pas un reproche à l’artiste, mais Kery James tourne habilement autour du pot. Il ne nomme pas le pouvoir socialo-sioniste, il en reste à une condamnation classique du clan LRPS – le pouvoir visible – et s’arrête juste à la limite, à la barrière de feu, là où on commence à se brûler. Il n’a pas dû oublier les mésaventures de Black M, qui a pris la foudre médiatique pour avoir repris la chanson de Doc Gynéco, où figurait un mot très interdit dedans.